La créativité et l'inspiration sont des forces mystérieuses. Qu'est-ce qui déclenche l'inspiration, et quand disparaît-elle ? Et comment trouver des moyens créatifs pour travailler avec une partition vieille de plus de cent ans ? La réponse est personnelle et varie d'un compositeur, musicien ou chef d'orchestre à l'autre. Par exemple, pour composer sa Troisième Symphonie, Gustav Mahler s’est placé dans des conditions très spécifiques. Il s'est retiré à Steinbach am Attersee, un endroit idyllique dans les Alpes près de Salzbourg où il pouvait composer dans une paix et un calme absolus. Il faisait de longues promenades en montagne, puisait son inspiration dans la nature et notait les idées musicales qui lui venaient dans de petits carnets.
Cette symphonie est une œuvre inspirante pour notre directeur musical, Kazushi Ono. Le 28 septembre prochain il montera sur scène à Flagey pour diriger cette majestueuse Troisième Symphonie de Mahler. Curieux de connaître ses réflexions sur la créativité et l'inspiration, nous avons découvert que, tout comme Mahler, Ono puise également une profonde inspiration dans la nature et son environnement. Découvrez-en plus dans l'interview ci-dessous.
Vivez la Symphonie n° 3 de Gustav Mahler en direct avec le Brussels Philharmonic et Kazushi Ono lors du concert Mahler 3.
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La créativité joue, bien sûr, un rôle crucial pour un chef d'orchestre. Cependant, contrairement à un compositeur la créativité d’un chef ne doit pas s’étendre librement au-delà de la partition dans le but de se mettre en avant. Les chefs doivent toujours garder à l'esprit qu’ils doivent rester aussi fidèles que possible à la partition, fidèles à l’intention du compositeur, fidèles à ce que les compositeurs veulent transmettre au public. Nous sommes, pour ainsi dire, des médiums spirituels, et la créativité doit s’exprimer de cette manière. En lisant la partition, les chefs entament une conversation éternelle avec les compositeurs, souvent au-delà du temps et de l'espace, et bien sûr en personne dans le cas de nos compositeurs contemporains.
Près de chez moi à Bruxelles, il y a de beaux parcs et lacs, notamment la Forêt de Soignes. J'aime toujours me promener dans cette belle nature à proximité, écouter le chant des oiseaux ou le bruissement des feuilles, sentir la brise, parfois même apprécier d'être surpris par une “drache” soudaine typiquement belge.
Je joue du piano lorsque je lis les partitions. Pour imaginer l’esprit de l’époque dans laquelle vivaient les compositeurs, je lis les romans ou regarde les tableaux de leur temps. Par exemple, pour comprendre le "Zeitgeist" de l’époque de Mahler, je regarde les tableaux de ses contemporains Gustav Klimt et Maximilian Lenz, et j’admire l’architecture d’Otto Wagner ou de Josef Hoffmann (je contemple toujours le Palais Stoclet sur l'Avenue de Tervuren en rentrant de Flagey !).
Pour mieux comprendre Mahler, je lis les romans de Dostoïevski ou de Goethe, dont on dit qu’il était un lecteur assidu. En dehors des dialogues à travers la partition, ces activités m’aident à avoir une perspective plus large sur l'œuvre et le contexte de sa composition.
Avant le concert (ou la répétition), je répète la musique encore et encore dans ma tête, où que je sois, que ce soit dans le métro ou en traversant la rue. Pour me détendre, je prends un bain chaud (une habitude japonaise) avec des huiles de bain relaxantes.
Les chefs diraient qu’ils aiment la musique qu’ils ont devant eux à ce moment précis.
Pour moi, je dirais donc : Mahler 3.
La Cinquième Symphonie de Mahler lors de mon concert inaugural avec le Brussels Philharmonic est, bien sûr, un moment mémorable, car c'était une rencontre avec l'orchestre et le public. En même temps, c'était pour moi un "retour à la maison" à Bruxelles après La Monnaie.
Dans ma carrière, il y a eu plusieurs concerts inoubliables : la Symphonie n° 2 (Résurrection) de Mahler avec l’Orchestre Philharmonique de Zagreb en 1992. C'était pendant la guerre et la ville était plongée dans le noir. Cependant, les musiciens et le public ont partagé un moment de prière ensemble dans la salle. Une expérience similaire a eu lieu en 2011 à Tokyo avec l'Orchestre Philharmonique de Tokyo après le Grand Tremblement de terre à l'Est du Japon. La salle était remplie d'une prière pour les victimes, à travers la musique. Ces moments m’ont fait penser que la musique est essentielle pour nous aider à affronter les difficultés, en nous donnant l’énergie d’aller de l’avant vers l’avenir.