Rachmaninov, Prokofiev & Scriabin · 20.12.2024 · Flagey
Alexandre Scriabine, Sergueï Rachmaninov et Sergueï Prokofiev : la musique de ces trois compatriotes contemporains était aussi différente que leurs univers de vie étaient proches.
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La première du Troisième Concerto pour piano de Sergei Prokofiev a eu lieu aux États-Unis, et l’œuvre a été finalisée en France. Cependant, la plupart des thèmes ont été composés en Russie. C'est l'une des œuvres les plus « mozartiennes » de Prokofiev : elle reflète l'énergie débordante d'un jeune homme sans limites. À mes yeux, peu de compositeurs sont aussi liés à Mozart en termes de légèreté et de liberté dans le processus créatif. On a l'impression que Prokofiev composait sa musique d'un seul jet, sans retouches, trouvant tout immédiatement sans chercher. Bien sûr, ce n’est qu’une impression.
Le concerto s’ouvre avec une mélodie de chant russe que Prokofiev transforme rapidement. Il fait évoluer ce thème en une version rétrograde, avant d’en faire le sujet d’un mouvement très rapide. Cela démontre une maîtrise impressionnante. Bien qu’il y ait peu de moments lents dans ce concerto, ils rendent l'œuvre lumineuse et mémorable. Le développement se base de manière surprenante sur le thème du chant russe, offrant une digression lyrique assez inhabituelle. Dans la deuxième partie, seule la quatrième variation est vraiment lente, une transition vers un mysticisme typique de Prokofiev, qui débouche soudainement sur une énergie juvénile intense.
Le concerto fait référence à des genres anciens, par exemple le thème de la deuxième partie pourrait être qualifié de gavotte, un genre que Prokofiev affectionnait particulièrement. On retrouve une gavotte dans la Première Symphonie, ainsi que dans ses ballets ... Il est également intéressant de noter que le deuxième thème de la première partie rappelle une gavotte. Cependant, le thème avec variations de la deuxième partie est une gavotte enrichie de variations contrastantes et diversifiées.
Le centre lyrique du concerto se situe à un endroit inhabituel : au milieu du finale. Après l’énergie élastique de l'exposition, une mystérieuse mélodie, évoquant ses Visions Fugitives, commence, chargée d’une expressivité rare. Même pour Prokofiev, ce passage est d'une densité remarquable — une sorte de « Tchaïkovski chez Prokofiev ». Contrairement au Deuxième Concerto, où la puissance du piano semble écraser l'orchestre, dans le Troisième Concerto, l'orchestre et le piano vivent en parfaite harmonie, chacun ayant un rôle égal. C'est l'une des compositions les plus abouties de Prokofiev, où l’inspiration, la technique et l’expression se trouvent en équilibre parfait. C'est aussi le concerto pour piano le plus joyeux que je connaisse.
Nikolay Lugansky
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