Raiders of the Lost Ark (1981)
film de Steven Spielberg
musique de John Williams
[toutes les notes de programme]
22.09.2023 23.09.2023 24.09.2023 FLAGEY
« Cette foutue musique ne me lâche pas. Chaque fois que je monte sur scène ou en descends, elle est jouée. J’ai dû récemment aller à l’hôpital pour faire une coloscopie : elle a été passée dans la salle d’examen ! »
Lorsque l’acteur Harrison Ford a été appelé sur la scène de l’American Film Industry en 2016 pour prononcer l’éloge funèbre de John Williams, c’était au son de la Raiders March. Ce thème est indéfectiblement lié au héros, comme le héros l’est à l’acteur.
Le choix de John Williams pour la musique des Aventuriers de l’arche perdue (1981) était prévisible. Indiana Jones a été conçu par George Lucas, mais celui-ci était trop occupé avec Star Wars. C’est en vacances avec son ami Steven Spielberg qu’il lui a confié son idée, après que Spielberg lui a fait part de son désir de réaliser un James Bond : « J’ai quelque chose de mieux », dit Lucas.
Si la Raiders March est devenue tellement emblématique, c’est grâce aux choix quelque peu à contre-courant du compositeur. Après la conception de la partition plutôt expérimentale des Dents de la mer en 1974, il s’était spécialisé dans un genre depuis longtemps démodé : l’idiome romantique de la musique hollywoodienne classique et symphonique des années 1930 et 1940 ; dans la veine de ses prédécesseurs Alfred Newman, Max Steiner et Elmer Bernstein, Williams jouait avec un leitmotiv et recourait à des orchestrations grandioses.
Les partisans de cette approche estiment que Williams a ainsi rendu à l’orchestre sa gloire d’antan. C’est ce qu’affirme le chef d’orchestre Dirk Brossé, directeur musical de l’Orchestre de chambre de Philadelphie et chef invité du Brussels Philharmonic : « Le genre était démodé, et à la fois tout à fait nouveau. Williams est l’un des premiers à avoir insufflé une nouvelle vie à l’orchestre symphonique à une époque où les instruments électroniques étaient beaucoup plus populaires. C’était là un positionnement courageux. Ce faisant, il a fait changer le train de direction. »
Grâce à cela, Williams a reçu un doctorat honorifique de l’Université de Boston en 1985. Voici ce que dit le rapport du jury : « À une époque où la mélodie et l’harmonie avaient disparu de la musique populaire comme de la musique sérieuse, Williams a permis aux gens d’apprécier à nouveau la musique dans le style de Beethoven et de Brahms. Il a fait goûter aux enfants des structures harmoniques et rythmiques complexes dans la tradition de Rachmaninov et de Prokofiev. Williams a rendu la musique orchestrale accessible à des millions de personnes. »
Le thème pour le personnage d’Indy a été délibérément conçu comme une marche. Williams : « Ce n’est pas une période que l’on associe généralement à la musique de marche, mais apparemment, j’aime écrire des marches. Une bonne marche fait monter la tension. Je laisse à un musicologue ou à un sociologue le soin d’en expliquer la raison. » On entend déjà cette contradiction dans les marches pour Star Wars (Imperial March), 1941 (The March from 1941) et Superman The Movie (Theme from Superman). Pourtant, la Raiders March est peut-être sa meilleure de toutes.
Car bien que la partition soit écrite comme une marche symphonique, Williams réalise ici quelque chose d’exceptionnel. L’air d’Indiana Jones n’est pas un pur leitmotiv, c’est une symphonie en deux mouvements dans laquelle les deux mélodies ont une puissance tout aussi porteuse et reconnaissable l’une que l’autre.
Williams : « J’avais pour mission d’écrire un thème pour le personnage qui soit reconnaissable. Chaque fois que l’acteur Harrison Ford sautait sur son cheval ou faisait quelque chose d’héroïque, ce thème devait revenir. C’est devenu The Raiders March, un air à première vue très simple, mais sur lequel j’ai passé plus de temps que sur tout le reste. Les notes devaient s’enchaîner de façon organique. Ces petites choses simples sont souvent les plus difficiles à saisir. »
Le compositeur a fait deux propositions. Ne parvenant pas à poser un choix, il a confié la décision au réalisateur Steven Spielberg. Mais ce dernier était tellement séduit qu’il lui a demandé d’utiliser les deux. Ainsi, la marche présente un pont musical particulier, comme si les deux mélodies avaient toujours été liées.
Outre Indiana Jones, Marion Ravenwood, sa maîtresse, a également droit à son propre thème. Celui-ci souligne son identité et sert également de thème d’amour. Il provoque la même émotion que le thème d’amour de Superman. On trouve également trois thèmes secondaires : pour le médaillon, pour l’arche et pour chaque nouvelle découverte faite par l’aventurier archéologue.
Il y a encore les scènes d’action, comme les poursuites dans le désert, avec un motif puissant qui anime les nazis et l’arche. Avec Indy en selle, Williams cite ici abondamment la Raiders March. Si ce moment du film est en réalité divisé en trois scènes, le compositeur les relie en un grand moment d’action de huit minutes qui fait monter l’excitation à chaque tournant.
« Grâce à la musique des Aventuriers de l’arche perdue, en trois secondes, on est complètement dans l’ambiance du film, ce qui est la signature de John Williams », explique Brossé, qui dirigera le ciné-concert à trois reprises. Une belle occasion de (re)vivre le début de cette grande aventure cinématographique à la bande originale magnifique, dans la meilleure version live qui soit.
Indy dirait cyniquement : « Ils ne savent pas ce qu’ils ont. » Mais le Brussels Philharmonic sait très bien quel joyau musical il a entre les mains.