L’une des photographies les plus célèbres de Rachmaninov est celle où on le voit mettre la dernière main à son Troisième Concerto pour piano, assis sur un banc à une petite table ronde, à l’été 1910. La photo a été prise au domaine d’Ivanovka, sa résidence d’été dans les steppes russes méridionales. Depuis l’adolescence, accompagné de ses cousins, Rachmaninov passait chaque été dans la propriété de son oncle et de sa tante, Alexandre Satine et Varvara Satina. En 1902, il épousa l’une de ses cousines, Natalia Satina, et l’annexe du domaine leur fut offerte en cadeau de mariage. Chaque été, Rachmaninov s’y retirait pour s’inspirer de l’environnement et composer en paix, loin de l’agitation de Moscou et de Saint-Pétersbourg. C’est là qu’il composa son Troisième Concerto pour piano.
Rachmaninov composa son Troisième Concerto pour piano comme une carte de visite pour son tout premier voyage aux États-Unis : « Mon Troisième Concerto a été écrit spécialement pour l’Amérique et je devais le jouer pour la première fois à New York avec Walter Damrosch. Comme je n’avais pas eu beaucoup de temps pour étudier au cours de l’été précédent et que je n’étais pas assez à l’aise avec certains passages, j’ai pris un piano muet sur le bateau et j’ai travaillé pendant la traversée. » Le concerto était destiné à mettre en valeur ses qualités de compositeur et de pianiste, raison pour laquelle Rachmaninov conçut une partie de piano particulièrement complexe et virtuose.
Ce concerto monumental fut créé au New Theatre de New York, avec l’Orchestre symphonique de New York sous la direction de Walter Damrosch, le 28 novembre 1910, puis à nouveau deux jours plus tard. L’accueil se montra plutôt tiède. Une nouvelle représentation eut lieu le 16 janvier, cette fois sous la direction de Mahler, avec plus de succès. Mais l’extraordinaire difficulté et la longueur de l’œuvre firent qu’il fallut un certain temps pour qu’elle devienne aussi populaire que le Deuxième Concerto. Un critique écrivit : « Sincérité, simplicité et clarté de la pensée musicale [...]. Il possède une fraîcheur d’inspiration qui ne cherche pas à découvrir de nouvelles voies. » Rachmaninov rejeta fermement l’idée que la mélodie d’ouverture s’inspirait des chants orthodoxes russes traditionnels : « Le thème n’est emprunté ni à une chanson folklorique ni à la musique d’église. Il s’est composé tout seul. Si j’avais un plan à l’esprit pour ce thème, il ne portait que sur la sonorité. » Ce Troisième Concerto perça définitivement grâce au film Shine (1996) notamment, qui raconte la fascination obsessionnelle du pianiste David Helfgott pour le « Rach 3 ».
La taille des mains de Rachmaninov a longtemps été un sujet de discussion - son Troisième Concerto pour piano aurait-il été aussi complexe si ses mains avaient été plus petites ? Le compositeur avait apparemment une envergure de plus de 30 centimètres entre son pouce et son petit doigt. Cette envergure exceptionnelle a certainement contribué à mettre en avant sa virtuosité stéréotypée et à jouer des accords incroyables. Par exemple, le pianiste de concert contemporain Cyril Smith aurait vu Rachmaninov jouer un accord 'Do-Mi-Sol-Do-Sol', une gamme d'une octave et demie entre la note fondamentale et la note la plus haute - peu de pianistes peuvent y parvenir.
Le troisième concerto était conçu pour mettre en valeur ses qualités en tant que compositeur et pianiste. En conséquence, Rachmaninov a créé une partie de piano exceptionnellement complexe et virtuose. Le Troisième Concerto pour piano de Rachmaninov est souvent désigné comme le "mont Everest des concertos". C'est une composition monumentale : sa longueur, sa virtuosité technique, ses mélodies expressives et la subtile interaction entre le piano et l'orchestre en font un véritable point fort de l'œuvre de Rachmaninov.
En 1910, Rachmaninov a rédigé un article pour le magazine Etude. Dans cet article intitulé ‘Ten Important Attributes of Beautiful Pianoforte Playing’, il propose des recommandations pour ce qu'il considère comme un bon jeu de piano. Vous pouvez le lireici.
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