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30.09.2023 FLAGEY
Lorsque Tina Turner chanta que « nous n'avons pas besoin d'un héros de plus », ce fut presque comme une déclaration de guerre. Mad Max 3 racontait l'histoire d'un monde pris en tenaille entre une apocalypse environnementale et la brutalité d'une lutte pour la survie du plus fort. Un héros qui viendrait sauver ce monde, chantait Turner, n'était pas ce dont ce monde avait besoin ; ce dont il avait besoin, c'était précisément d'un autre monde.
Un héros est toujours le héros d'un monde ancien, passé, dépassé. L'époque contemporaine l'a bien compris, qui ne supporte plus les héros que comme anti-héros - comme héros fragiles, perdus, traversés par un drame ou une impuissance. Notre monde, qui ne semble pas si différent que ça de celui de Mad Max 3, préfère se reconnaître dans des individus qui, au fond, nous ressemblent. On pourrait y voir du narcissisme, ou un refus de la grandeur. Mais et si c'était le contraire ? Et si c'était un appel politique à un changement qui ne pourrait venir que de nous ? Seul un anti-héros peut encore nous sauver : nous-mêmes.
Laurent de Sutter est professeur de théorie du droit à la Vrije Universiteit Brussel et à Sciences-Po Paris. Il est l'auteur de plus de vingt-cinq livres traduits en une douzaine de langues et décorés de plusieurs prix. Il dirige aussi les collections Perspectives Critiques aux Presses Universitaires de France et Theory Redux chez Polity Press. Son dernier livre paru : Superfaible. Penser au 21eme siècle (Flammarion, 2023).